L’usage de la force par les forces de l’ordre

par Alvaro FERNANDESDirecteur pédagogique de l’organisme de formation FSPI HARMONY SÉCURITÉ

Les évènements au cours desquels les policiers nationaux, municipaux ou les gendarmes sont contraints de faire usage de la force pour préserver l’une ou l’autre de nos libertés publiques, c’est-à-dire pour faire respecter la loi, sont de plus en plus médiatisés.

Instantanément, la presse relaye cette actualité d’une manière plus ou moins précise. Suivie ou précédée par différents commentaires à sensations qui vont inonder les différents réseaux sociaux générant, d’une part les premières émotions, d’autre part des réactions publiques trop souvent déraisonnables.

Les faits sont ainsi analysés par des chroniqueurs à l’expérience approximative, par des politiciens à la recherche d’un plus large électorat, par des experts qui développent leurs avis et leurs théories à partir de leur abyssale méconnaissance des sujets qu’ils traitent, et ceci publiquement.

Ils alimentent l’opinion publique avec des informations souvent imprécises, parfois erronées, généralement fausses ou équivoques.

Ainsi va le fonctionnement des médias, des réseaux sociaux et leurs irréversibles besoins de sensationnelle rentabilité.

Pourtant il est important que les clichés colportés sur les forces de sécurité, étatiques, territoriales ou privées prennent fin.

Ils sont trop souvent en décalage avec la réalité. Ils contreviennent à la justesse juridique ou règlementaire des faits réels, commentés en méconnaissance des procédures techniques, tactiques ou des véritables raisons qui ont conduit à leurs mises en œuvre par les agents.

J’ai porté l’uniforme pendant plus de 35 ans au sein de la Police nationale, tantôt comme agent sur le terrain, tantôt comme formateur dans diverses spécialités.

Durant ces trois décennies et demie, j’ai conseillé, formé mes collègues et des formateurs sur les contenus techniques, tactiques, juridiques et déontologiques de l’intervention.

Je suis aussi intervenu comme sachant auprès de différentes instances d’audit, de contrôle ou pénale, pour éclairer objectivement les enquêteurs, les avocats et les magistrats sur la compréhension de la conduite des interventions, sur le bon sens des décisions et des actions entreprises par les FDO au cours des évènements évalués.

Aujourd’hui, jeune retraité de la fonction publique d’état, à présent directeur pédagogique d’un organisme de formation (FSPI HARMONY Sécurité), je conseille, dès que mes collègues municipaux, nationaux, du secteur privé, un avocat ou un magistrat me sollicitent, sur les sujets de l’emploi et de l’usage de la force, de leurs nécessaires justifications, de leurs possibles conséquences pénales, humaines, professionnelles, sociétales.

Cet article n’a toutefois pas vocation à perdre quiconque (notamment les FDO qui seront mes principaux lecteurs) dans des considérations strictement juridiques.

Non, je veux juste évoquer le bon sens et globalement éclairer !

Nécessité et proportionnalité

Ainsi, au moment où le policier ou le gendarme fait usage de la force, il n’effectue pas une analyse juridique de la réponse à apporter : il répond par une action commandée par le terrain qu’il sait nécessaire et proportionnée.

Confronté à une force adversaire, l’agent perçoit la situation critique, l’analyse, prend une décision et agit. Tout cela en une fraction de seconde. Sans aucun droit à l’erreur.

Sa réponse doit être nécessaire et proportionnée.

Nécessaire et proportionnée… ?

Nécessaire à qui, pourquoi, dans quel but ?

Proportionnée à quoi, à quel moment, pour conjurer quel péril, pour annihiler quelle atteinte ?

En réalisant son action, l’agent commet-il une infraction ? Cela lui permet-il de préserver un intérêt supérieur au regard du droit, de l’opinion publique ?

Et la gravité de l’atteinte ? Quelle est-elle ? Comment la graduer, comment la percevoir, comment l’estimer ?

Un citoyen, un enquêteur ou un magistrat qui n’a jamais été confronté à un danger grave ou à un péril imminent, le percevrait-il comme un policier ou un gendarme expérimenté sait le faire ?

Au moment de son intervention, des émotions vont-elles altérer les capacités physiques, techniques, sensorielles, mentales ? Est-ce physiologiquement normal ?

En une fraction de seconde donc, l’agent, avec ses automatismes professionnels va devoir agir pour apporter une réponse technico-tactique, juridique, règlementaire, nécessaire et proportionnée au but qu’il poursuit.

Ce but poursuivi justement, quel est-il ? Est-il induit par l’ordre de la loi, par une instruction de la hiérarchie, par la conviction personnelle, l’éducation ?

La formation

C’est par son entrainement, par la répétition régulière, par la diversification des situations éducatives vécues, que l’agent va développer des capacités et des compétences professionnelles.

C’est donc en théorie ce qui devrait lui permettre de conduire, ensuite, avec un maximum d’efficacité et de justesse, ses interventions sur le terrain.

Mais en pratique, les policiers s’entrainent-ils suffisamment, répètent-ils assez fréquemment les exercices ? Les drills éducatifs sont-ils réguliers ? La formation proposée est-elle adaptée aux exigences évolutives du terrain ?

Malgré les apparences, mis à part quelques unités spécialisées, pour la majorité des agents d’état la réponse est non.

Ce n’est évidemment pas par plaisir que les policiers sont contraints d’aller s’entraîner ou se former dans les clubs privés, sur leur temps de repos, avec les encouragements sous-jacents de leur institution. En payant par ailleurs eux-mêmes leurs abonnements, leurs cartouches, leurs équipements …

Bien qu’en lien direct avec la problématique traitée, le sujet de la formation professionnelle sera analysé isolément dans un prochain article. Il mériterait toutefois un livre pour tout développer…

Vous le comprenez, de bien nombreux paramètres doivent être pris en compte pour d’abord « lire » l’évènement, ensuite percevoir la nécessité d’agir, puis décider d’une action dans le catalogue professionnel exhaustif des techniques existantes, et enfin déployer la force…

… En une fraction de seconde ! Quel métier complexe !

Pendant et après l’intervention

Comme je l’indiquais précédemment, il revient au policier ou au gendarme de ne pas commettre d’erreur lors de son intervention, ni non plus, après celle-ci.

Chaque évènement, chaque action est un cas d’espèce différent des autres.

Les agents sont des professionnels expérimentés qui agissent toujours en fonction d’une décision qu’ils prennent instantanément.

Leurs choix d’actions sont toujours dictés par les automatismes acquis. Leurs actions sont volontaires et même si elles sont immédiatement consécutives à la prise de décision, elles n’en demeurent pas moins réfléchies et, j’insiste, volontaires.

Volontaires, est un mot essentiel car il induit la volonté de l’agent de déployer la force, de manière contrôlée, raisonnée, en employant des techniques institutionnelles, pour annihiler raisonnablement l’action illégale de la force adverse, toujours en vue de préserver un intérêt supérieur.

Comprendre la hiérarchie des normes, c’est finalement comprendre le positionnement de cet intérêt supérieur par rapport à celui (ou à ceux) qui lui est inférieur au regard du droit.

Appréhender ensuite ce que signifient la nécessité et la proportionnalité n’est plus qu’une affaire de bon sens.

Le fait justificatif

Le déploiement intentionnel de la force par l’agent, quel que soit sa gradation, implique donc de ce dernier son intention de commettre une infraction. À l’élément légal et à celui matériel vient donc s’ajouter l’élément moral. Infraction certes, mais toujours pour préserver un intérêt supérieur, n’oubliez pas !

Aussi, le fait justificatif, c’est-à-dire l’exposé précis, objectif et univoque, doit clairement décrire le déroulement chronologique de l’intervention et des actions entreprises tant par les agents, que par leur adversaire.

Tout cela, les policiers et les gendarmes le savent bien et je ne leur apprends rien.

Ce qui pose un problème c’est la perception par le public, les enquêteurs ou les magistrats du péril, des émotions, de la situation, perçus par les agents au moment des faits.

Chacun y va, à ce stade, de son interprétation, de son avis, sur ce qui aurait pu ou dû être fait, tant sur le plan technique que tactique ou comportemental.

Et que dire des collègues ou de la hiérarchie qui souvent leur « savonnent la planche » immédiatement après leur intervention ?

Si les agents estiment que leur intervention, leurs actions, la force qu’ils ont intentionnellement déployée, s’inscrivent dans les obligations et les prescriptions d’absolue nécessité, de proportionnalité, de technicité, de déontologie, ils doivent aussi se souvenir que l’intervention a pu être filmée.

Tout le monde le sait, une séquence vidéo sortie de son contexte peut parfois servir défavorablement si elle était diffusée sur les réseaux sociaux ou dans le cadre d’une procédure.

L’avocat

Aussi, avant qu’ils ne se lancent dans la transcription précise des faits, un avocat ou un sachant reconnu, peuvent apporter une aide précieuse et devenir de fidèles conseillers et alliés.

Les agents doivent toujours garder à l’esprit que le moindre détail dans leurs commentaires ou dans leur transcription sur le procès-verbal est important.

Il peut être utilisé consécutivement à décharge, mais aussi malheureusement, injustement à charge.

De même, le policier ou le gendarme n’a pas à expliquer le droit en écrivant par exemple avoir agi dans le cadre de l’article untel relatif à la légitime défense, de tel autre se rapportant à l’état de nécessité, ou encore du cas x de l’article L 435-1 du code de la sécurité intérieure.

Non, il décrit exhaustivement et fidèlement les faits, la réponse apportée, et explique factuellement la force déployée jusqu’à l’obtention du but qu’il poursuivait.

C’est-à-dire que ce qui est attendu de l’agent par les enquêteurs, la hiérarchie ou les magistrats, consiste en une explication précise et circonstanciée de l’évènement (l’environnement, le contexte, heure, l’attitude de l’adversaire, du public, les instructions reçues, …) pour que ces derniers puissent évaluer si les moyens déployés, en tout cas la réponse « policière » mise en œuvre, correspondaient aux exigences de justesse, de nécessité et de proportionnalité.

A ce stade seulement, l’action intentionnelle au cours de laquelle la force a été déployée par l’agent, l’infraction commise donc, pourra être « classée » dans l’une ou l’autre des causes d’irresponsabilité pénale au regard du fait justificatif préalablement analysé.

Conclusion

S’il est exact que les poursuites engagées exagérément contre les policiers ou les gendarmes pour le chef de violences sont de plus en plus fréquentes, mon expérience et celles des avocats qui œuvrent pour leur défense laissent apparaitre que les diverses accusations font très souvent suite à une imprécision des faits exposés, à leur interprétation, à des déclarations équivoques.

Lorsque les agents se retrouvent ensuite face à un juge et sont prévenus d’une infraction qu’ils n’ont pas commise (qui plus est s’ils sont condamnés), sont des instants tragiques qui peuvent détruire injustement leur vie professionnelle ou familiale.

Enfin, le conseil que je leur donne est de faire appel à un sachant, mieux, à un avocat, dès qu’ils ont un doute sur les conséquences possibles de leur légitime intervention.

Leur sixième sens les en alertera certainement.

Briser la glace

4 jeux en formation pour briser la glace !

source : RAPHAËLE CHAMP

05/12/2019, 16h35

Grâce aux guides précédents, vous avez désormais toutes les cartes en main pour mener des séances de formation efficaces et innovantes via le gamestorming. Désormais, place au concret ! Découvrez 4 jeux à appliquer au sein de votre programme. Focus tout d’abord sur les jeux d’ouverture, ceux qui vous feront débuter la séance.

Pensez l’icebreaking différemment — « Bienvenue dans mon monde » de Sunni Brown

Plutôt que de réaliser un simple tour de table traditionnel, optez pour la cooptation et la rencontre par le partage d’expérience !

  • Nombre de joueurs : de 8 à 20 personnes
  • Durée du jeu : de 30 à 60 minutes
  • Support : fiches, stylos

Déroulé du jeu :

  1. les participants marquent leur poste ou une de leur mission en lien avec la formation sur une fiche et la colle sur leur poitrine ;
  2. proposez aux participants de s’associer en paire avec un membre dont l’intitulé les intrigue ou les étonne ;
  3. chaque membre doit ensuite dessiner la perception qu’il a des responsabilités de son binôme sans jamais lui poser de question directement. Il ne peut utiliser que des symboles ou des dessins ;
  4. les participants disposent de 5 minutes pour présenter leur dessin à leur partenaire ;
  5. pendant 5 à 10 minutes, chaque membre du duo présente son poste ou sa mission et son lien avec la séance. Il est possible de modifier les esquisses ;
  6. les volontaires présentent à l’assemblée le résultat de leur réflexion et les échanges provoqués.

Source : toutes les images sont issues de l’œuvre « Gamestorming » de Dave Gray, Sunni Brown et James Macanufo

L’objectif du jeu est de faire découvrir son quotidien et réduire le cloisonnement entre les différentes fonctions d’une entreprise. Ce jeu révèle ses bienfaits si vos stagiaires occupent des postes bien distincts.

Révélez les attentes de la formation — « Le spectre des opinions »

Il s’agit dans un premier temps de faire ressortir les informations et désirs secrets concernant votre formation. Vous pouvez lister les attentes sur votre séance, les opinions sur un sujet donné ou encore les connaissances et perceptions du thème de la séance. Demandez à vos stagiaires quels sont leurs objectifs concernant la formation, ce qu’ils pensent de l’organisation de leur service ou encore quel sera le sujet traité aujourd’hui.

  • Nombre de joueurs : de 5 à 15 personnes
  • Durée du jeu : de 30 à 60 minutes
  • Supports : fiches bristol, post-it, stylos

Déroulé du jeu :

  1. au début de la séance, vous pouvez proposer à vos stagiaires de se concentrer sur l’intitulé de la formation ou d’aborder plusieurs points en particulier. Si vous parlez de plus d’un sujet, notez-les ;
  2. placez chaque point à traiter au centre de votre tableau ou mur. Si vous en avez plusieurs, disposez-les les uns sous les autres ;
  3. les participants notent chacune de leur idée ou opinion sur un post-it ;
  4. invitez-les à aligner leur post-it à gauche et à droite de chaque sujet. L’ordre entre les idées n’a pas d’importance ;
  5. lorsque tous les posts-it sont sur le mur, triez-les : supprimez les doublons, rassembler les idées proches et isolez les opinions uniques ;
  6. après avoir disposé tous les éléments, laissez vos participants donner leur ressenti.

Ce spectre vous donne un aperçu des idées et surtout, des idées partagées. Il vous guidera dans la conduite de la séance et vous aidera à toucher au plus près les défis à relever.

Définissez le périmètre de l’apprentissage — « Le jam graphique » de Leslie Salmon-Zhu

Lorsqu’un concept est difficile à appréhender, appuyez-vous sur la visualisation. Vous stimulez la créativité, offrez le même niveau de compréhension et impliquez vos stagiaires.

  • Nombre de joueurs : de 5 à 15 personnes
  • Durée du jeu : entre 30 et 60 minutes
  • Supports : fiches bristol, post-it, stylos

Déroulé du jeu :

  1. pendant 1 ou 2 minutes, les participants inscrivent sur des fiches bristol des mots qu’ils peinent à conceptualiser, comme « garantie » ou « qualité ». Chaque idée dispose de sa propre fiche ;
  2. rassemblez les fiches, mélangez-les et sortez une carte au hasard que vous accrochez au mur ;
  3. en 3 minutes, les apprenants notent sur un post-it un symbole qui se rapporte selon eux à l’expression sur la fiche. Invitez-les à coller leur post-it autour de l’expression ;
  4. répétez l’opération pour chaque fiche bristol ;
  5. lorsque tous les mots sont symbolisés, discutez des dessins, des interprétations et clarifiez certaines propositions ;
  6. demandez à l’équipe les mots les plus simples à conceptualiser et l’impact de ces figures visuelles dans leur vie professionnelle.

Vous avez ainsi une base d’interprétation commune. Vous pourrez utiliser ces symboles pour conceptualiser le reste de votre formation via un panel d’artefacts.

Révélez l’objectif de la formation —”En couverture” de The Grove Consultant International

Découvrez le but de la formation pour vos stagiaires ou lissez les attentes via le principe de la projection.

  • Nombre de joueurs : pas de restriction
  • Durée du jeu : 90 minutes maximum, pas de temps minimum
  • Support : paperboards (à préparer en amont) et feutres

Déroulé du jeu :

  1. Divisez le groupe en équipe de 6 personnes maximum. Sur le mur, disposez vos paperboards (un par équipe) contenant le modèle suivant :
  2. Détaillez chaque catégorie : la couverture décrit le plus grand succès de la formation, les gros titres se concentrent sur le contenu du succès, les encadrés révèlent les aspects intéressants, les citations regroupent les discussions, le brainstorming illustre les idées initiales qui ont donné naissance au résultat et les images illustrent l’ensemble ;
  3. Demandez aux participants d’imaginer le meilleur scénario possible pour la formation ou l’après-formation. Chacun dispose de 5 minutes pour construire son scénario puis les équipes rassemblent les idées pour créer un scénario unique. Les groupes disposent de 45 minutes pour remplir le paperboard ;
  4. Lorsque l’exercice est terminé, chaque équipe présente son modèle en 10 minutes maximum ;
  5. Échangez avec le groupe sur les impressions, réflexions et inquiétudes. Rassemblez les idées communes et profitez-en pour clarifier quelques points.

La réussite du jeu dépend du niveau d’abstraction des joueurs. Il vous permet de guider la suite de la séance et de tenter de nouvelles approches pour répondre à leurs ambitions.

Avec ces 4 jeux élaborés ou adaptés par les créateurs du gamestorming, vous avez les éléments nécessaires pour ouvrir la séance de formation et en délimiter les contours. N’oubliez pas de respecter les principes fondamentaux et de vous outiller pour que les jeux se passent au mieux.

La pédagogie ?

La pédagogie, un transfert de savoirs ou une mise en relation de l’apprenant avec les savoirs ?

source :  coachsemperes L’éducation

Photo de Max Fischer sur Pexels.com

Je l’avoue, c’est un p’tit « coup de gueule » aujourd’hui et je vous prie de bien vouloir m’excuser. La liberté d’expression, tant qu’elle respecte la liberté d’expression des autres, permet d’expliciter les différents points de vue et d’alimenter le débat dans le seul but de progresser et de limiter l’impact de dérives potentielles. Ce coup de gueule vient de ce que j’observe et entends dans le domaine de la pédagogie, la science de l’éducation des enfants et de l’andragogie, la science de l’éducation des adultes. L’impact sur les apprenants est suffisamment important pour me convaincre de partager mon approche. Dans ce qui suit, j’utiliserai le mot « pédagogie » quels que soient les sujets concernés par l’apprentissage, enfants ou adultes. Voici l’affirmation qui me fait réagir :

« La pédagogie, c’est transmettre des savoirs ! »

Quand on transmet quelque chose, c’est qu’on considère détenir l’ensemble du savoir à transmettre. Mais en réalité, on ne transmet au destinataire UNIQUEMENT que la partie qu’on détient et maîtrise. Dans cette logique de la pédagogie, un élève ne peut pas dépasser le maître ! Alors que c’est bien ça l’intention.

Pour moi, la pédagogie est tout sauf ça ! Un pédagogue qui pense transmettre son savoir est centré sur son propre savoir, sur sa manière dont il l’a acquis, ce qu’il en a retenu et de sa manière à lui de le restituer. Il est donc centré sur lui. Alors qu’en pédagogie, le pédagogue doit être centré sur l’apprenant et sa relation avec le savoir qu’il est en train d’acquérir. Dans cette logique, la pédagogie consiste à « mettre l’apprenant en relation avec les savoirs. » Et ça change tout ! Pour le pédagogue et pour l’apprenant. C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui. 

Vous allez me dire que je m’attache à des mots. Peut-être oui. Mais, par la signification qu’on leur prête, les mots utilisés sont importants, parce qu’ils conditionnent les comportements induits. Je parle par expérience de 12 ans d’andragogie en alternance avec 11 ans d’ingénierie de compétences. Voyez plutôt. 

On va déjà traiter le « transfert de savoirs. » Par définition, comme un filtre, celui qui transmet le savoir, ne fait que transmettre ce qu’il a retenu du savoir, il est centré sur sa propre connaissance du savoir. Il transmet ce qu’il connait. L’apprenant, lui, est donc centré sur le sachant. Par exemple, le compagnonnage est un transfert de savoirs. L’apprenti, et non l’apprenant, acquière le propre savoir, le propre savoir-faire et le propre savoir-être du maître de compagnonnage. Je vais vous donner une preuve, si besoin était, que c’est nécessaire mais pas suffisant. L’apprenti fait un tour de France pour élargir ses savoirs par l’acquisition d’une somme de savoirs transmis par plusieurs maîtres de compagnonnage. 

Pour illustrer que l’important n’est pas la transmission, ce qu’on donne aux autres, je reprendrai la citation de Jacques Salomé, psychosociologue « L’important n’est pas ce qu’on donne au autres, mais ce qu’on éveille et permet en eux !« 

Contrairement au « transfert de savoirs » la pédagogie est « la mise en relation de l’apprenant avec le savoir. » Le formateur est centré sur les moyens à mettre en oeuvre pour faciliter cette mise en relation. Ces moyens mis en oeuvre s’appellent « la pédagogie. » L’apprenant, lui, est centré sur le savoir à acquérir. Au delà du centrage différent des deux types d’approche, quels sont les avantages de centrer l’attention du formateur sur cette mise en relation ? Le formateur se détache du contenu pour se consacrer exclusivement à la pédagogie. Il axe son action sur l’assimilation de l’apprenant et l’évaluation de ce qu’il a retenu en collant aux critères d’évaluation des acquis de formation. Plutôt que positionner l’apprenant comme passif en attendant le transfert du sachant, à la manière d’un oisillon qui attend la becquée, l’apprenant est acteur de son apprentissage. Par cette mise en relation avec le savoir à acquérir, en plus du contenu, l’apprenant apprend à apprendre. C’est comme cela que l’élève pourra dépasser le maître. L’élève s’élève par ce que le maître éveille et permet en lui. 

Photo de Christina Morillo sur Pexels.com

De mes 12 ans dans le domaine de l’andragogie, j’ai parfois vu des formateurs accentuer sur un point du savoir qu’ils maîtrisaient parfaitement plutôt que de coller aux objectifs pédagogiques et aux points clés d’apprentissage. C’est une illustration du filtre du transfert de savoirs. C’est sécurisant et valorisant pour le formateur qui brille par ce qu’il connait et sans aucun doute plus facile pour lui. Lorsque j’envoyais mes collaborateurs en formation et qu’ils en revenaient en me disant « le formateur était super fort » je leur répondais « A part ça, toi, qu’est-ce que tu as retenu de la formation ? » C’est une illustration du centrage de l’apprenant suivant comment le formateur se positionne. L’évaluation d’un formateur ne se réalise pas sur son expertise du sujet de la formation voire sur ses faits d’armes en situations (je l’ai vu aussi), mais sur sa capacité à faciliter l’apprentissage de l’apprenant pour qu’il soit « capable de … à l’issue de la formation » en référence à la taxonomie de Benjamin Bloom qui décrit la pédagogie par objectif. Autrement dit, la satisfaction d’un formateur doit être centrée sur les remerciements de l’apprenant pour qui sa pédagogie a facilité l’apprentissage plus que sur la reconnaissance de son expertise du domaine. Chacun son métier. D’un pédagogue, on attend de l’expertise du domaine de la pédagogie. Un bon technicien ne sera pas forcément un bon pédagogue. Et il n’est pas nécessaire d’être un bon technicien pour être un bon pédagogue. Pour que l’apprenant apprenne efficacement et avec complétude, il faut être un fin technicien de la pédagogie. 

Photo de Moose Photos sur Pexels.com

J’en viens à l’impact du « transfert de savoirs » plutôt que « la mise en relation de l’apprenant avec les savoirs. » Lorsqu’un client paye une formation à son collaborateur, il attend un résultat de son collaborateur en situation de travail. Autrement dit, qu’il puisse mettre en application ce qu’il a appris de manière efficace. La formation est un investissement. L’ingénierie de compétences a défini les objectifs de formation, c’est à dire les compétences attendues en situations. L’ingénierie de formation, quant à elle, a défini la stratégie, les méthodes et l’enchainement des séquences pédagogiques pour que « à l’issue de la formationl’apprenant soit capable de … . » Les deux parties ont contractualisé sur la base de cette intime imbrication. Le contenu du domaine traité en formation est certes important, mais quand on paye une formation on paye surtout les compétences pédagogiques pour coller au dossier pédagogique et garantir durablement ce que doit en retenir l’apprenant. Le fait de l’avoir mis en relation avec les savoirs favorise ce qu’on appelle en pédagogie « les conditions de transfert en situations. » C’est à dire l’utilisation des acquis de formation en situations dans lesquelles il en a besoin pour être performant. Parce que c’est bien ça la finalité ! L’objectif d’une formation n’est pas d’avoir passé un bon moment avec un formateur brillant dans son domaine d’expertise. Un « transfert de savoirs » rend dépendant l’apprenant du sachant. « La mise en relation de l’apprenant avec les savoirs » le rend autonome, notamment en situations où il doit mettre en pratique ce qu’il a appris. 

La pédagogie, l’ingénierie de compétences et l’ingénierie de formation font partie de mes domaines de compétences. Si vous souhaitez vous réinterroger sur votre pratique en matière de pédagogie, contactez-moi.

Andragogie ou pédagogie ?

Source : site Sydologie

http://sydologie.com/2013/11/pedagogie-andragogie-soyons-precis-part-3/

Comment l’andragogie se distingue-t-elle de la pédagogie ?

Etymologiquement, le terme « andragogie » vient du grec andros qui désigne l’homme – au sens adulte de sexe masculin – et de agô, « mener, conduire, élever ». Ainsi, l’andragogie désigne la formation pour adultes (essayons de faire abstraction mesdames du fait que l’adulte est ici assimilé à l’homme uniquement !). La différence principale entre la pédagogie et l’andragogie est donc le public visé même si, par abus de langage, « pédagogie » est généralement employé pour les enfants et les adolescents comme pour les adultes.

L’andragogie part du postulat que l’adulte est différent de l’enfant et qu’il a donc besoin d’un enseignement distinct. En effet, l’apprentissage semble se heurter à plus de difficultés chez un apprenant adulte : celui-ci a généralement des capacités de mémorisation moins grandes que l’enfant (par manque de pratique essentiellement) et son esprit est moins ouvert à la nouveauté, moins malléable car déjà empli de convictions et de certitudes. Mais rassurez-vous les enfants ne gagnent pas sur tous les plans ! L’adulte a tout de même pour lui une expérience plus longue qui peut servir la compréhension et un esprit critique plus développé qui lui permet de trier les informations et de les exploiter avec justesse.

Pour prendre en compte les caractéristiques des adultes, plusieurs principes doivent être respectés en andragogie. D’abord, l’élément essentiel pour élaborer une formation pour adultes efficace est de lui donner du sens. Un adulte estmotivé pour apprendre s’il y voit un intérêt. Le formateur doit donc amener l’apprenant à prendre conscience des besoins et envies qu’il peut satisfaire grâce à la formation. Il doit également être capable de justifier ses choix et de convaincre de la cohérence et de l’utilité du programme de formation proposé. Par ailleurs, un adulte cherche à acquérir des compétences et des connaissances qui peuvent lui servir dans la vie réelle. C’est pourquoi il faut concevoir la formation autour de situations réelles, se baser sur les expériences socioprofessionnelles de l’apprenant et l’encourager à être actif dans son apprentissage. Enfin, un adulte a une forte conscience de soi, de sa singularité en tant que personne. Il est pour cela plus en recherche d’échanges avec le formateur et les autres apprenants que d’une simple transmission du savoir. L’enseignement doit donc être interactif.

Mais alors, me direz-vous, dans ce cas quelle différence entre les pratiques de pédagogie et d’andragogie ? En effet, en lecteur assidu, vous avez lu les deux premiers articles de cette série « Pédagogie et andragogie : soyons précis ! », et vous savez qu’en pédagogie aussi (notamment dans le modèle constructiviste), il est préconisé de donner du sens à l’apprentissage, de privilégier l’interaction et de partir des expériences et connaissances de l’apprenant. Cela s’explique par l’évolution de la conception de l’enfant dans la société. En effet, on s’est peu à peu rendu compte que l’enfant partage en fait de nombreuses caractéristiques avec l’adulte et que, par conséquent, les méthodes initialement spécifiquement destinées à l’adulte peuvent également s’appliquer en pédagogie.

Finalement, si l’âge de l’apprenant ne peut évidemment pas être ignoré, distinguer une démarche pédagogique d’une démarche andragogique semble aujourd’hui un peu dépassé. On ne le dira jamais assez : il n’y a pas de recette miracle pour faire une bonne formation ou un bon cours. Tout dépend du contexte, de l’objet d’apprentissage et du profil de l’apprenant. C’est en tenant compte de l’ensemble de ces facteurs que l’enseignant ou le formateur peut atteindre ses objectifs.

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